Par Isabelle Bouchard

Au cours des trois dernières semaines, je me suis abreuvée d’informations sur l’invasion russe de Ukraine. Je ne suis pas certaine de bien comprendre comment cela m’affecte ; mais je suis sincèrement préoccupé par le peuple ukrainien, je compatis pour leurs coeurs et leurs corps blessés, il me semble que je fais ce que je peux pour aider. J’ai fait un don à La Croix Rouge canadienne pour l’Ukraine et je vais continuer à chercher des moyens d’en faire plus.

Je me suis également demandé comment le Canada, ma famille, mes amis, la vie de mes voisins seront affectés – collatéralement ou directement. (Nous finissons souvent par nous inquiéter pour nous-mêmes lorsque la situation est grave ; c’est correct, nous sommes humains.)

Au cours des trois dernières semaines, j’ai eu un stress différent de celui du COVID, qui avait commencé à s’estomper alors que le monde commençait à revivre un peu. Il a été remplacé par une anxiété effrayante, gracieuseté de M. Poutine. J’ai imaginé toutes sortes de scénarios, allant jusqu’au pire bien sûr. Je sais que c’est une angoisse que plusieurs d’entre nous partageons.

Jusqu’à tout récemment, nous comprenions que le monde entier était touché par l’effet de la pandémie sur les perturbations des chaînes d’approvisionnements, ce qui faisait que tout coûtait plus cher, partout. L’invasion de l’Ukraine par la Russie suscite encore plus de spéculations sur le prix des matières premières qui vont probablement monter en flèche et ce sont les populations des pays occidentaux qui risquent d’être les plus durement touchées, parce que nous avons les moyens d’en consommer. Nous voyons déjà les prix de l’essence grimper à des niveaux record. Qu’est-ce que ce sera ensuite?

Il y a trois semaines, la liberté se vivait bien différemment. Nous avions presque oublié à quel point elle est fragile, combien il est important de la cultiver. La situation en Ukraine a retenu l’attention du monde occidental en grande partie à cause de la peur de Poutine en tant que dictateur irrationnel qui menace la liberté comme peu de gens le peuvent, il a même ravivé la vieille peur d’une attaque nucléaire.

En même temps, je ne peux m’empêcher d’avoir de la compassion pour le peuple russe, qui a été manipulé, exploité, trompé et maltraité par son gouvernement pendant si longtemps, qui se poursuit avec cette invasion. En bref, leur jeune démocratie a été trahie par un régime dictatorial et corrompu dirigé par Poutine. En 1993, sa constitution a déclaré la Russie un État démocratique, fédéraliste et de droit. Six ans plus tard, l’ère Poutine a commencé et la Russie est en déclin depuis et les espoirs d’une véritable démocratie ont été anéantis.

Il y a trois semaines, le gaspillage alimentaire était un vrai problème ici. Et c’est toujours le cas. Nous devrions tous faire attention aux déchets que nous produisons – ne serait-ce que par respect pour ceux qui n’ont pas autant de nourriture que nous.

J’ai été frappé de voir des images de personnes qui, il y a trois semaines, avaient de la nourriture dans le réfrigérateur, un toit au-dessus de la tête, un travail où aller et une famille à aimer, blottis dans des stations de métro devenues des abris anti-bombes de fortune. Nous pouvons perdre le confort de notre quotidien en un instant et nous ne devrions pas tenir l’abondance qui nous entoure pour acquise. Les Ukrainiens avaient une vie normale avant que la Russie ne les envahisse ; aujourd’hui ils se battent pour la récupérer.

Tant de choses ont changé en trois semaines. N’oublions pas que nous avons tous vécu deux années très difficiles. De nombreuses familles canadiennes ont rencontré des difficultés financières pendant la période de la COVID. Beaucoup vivent à la limite de leur avoir et trop vivent sur un budget négatif. Et entrevoir que la situation ne fera qu’empirer à mesure que le coût de la vie devient plus cher est déchirant. Notre gouvernement ne devrait pas l’oublier et venir en aide aux Canadiens qui en ont le plus besoin.

Je ne peux pas m’empêcher de garder la télé allumée. Regarder les nouvelles me tient informé mais aussi connecté lors des moments difficiles. C’était la même chose au début de la pandémie. Et tout comme au début de la pandémie, j’ai ressenti un besoin encore plus grand d’être proche des personnes qui comptent pour moi. (Certaines d’entre elles sont que je n’ai pas vus depuis longtemps à cause du COVID.) À présent, je veux me sentir connecté aux Ukrainiens et aux autres Occidentaux.

Plusieurs d’entre nous vivrons, peut-être, l’invasion russe uniquement financièrement. Les marchés mondiaux sont tellement intégrés que nous en ressentirons les effets sur nos portefeuilles. Après seulement trois semaines, nous payons déjà plus pour l’essence et les matières premières.

Comment cela affectera-t-il notre assiette ? Nos agriculteurs ? Nos transformateurs d’aliments et de biens ? Nos exportateurs ? Nos importateurs ? Que signifient toutes les incertitudes ?

Avec la hausse des prix des denrées alimentaires, la flambée du prix de l’essence et les chaînes d’approvisionnement sous tension, les familles doivent-elles craindre qu’une guerre s’annonce dans nos assiettes ?

Nous nous efforcerons d’obtenir des réponses dans une série spéciale que nous vous préparons au cours des prochains jours et prochaines semaines.

Nous présenterons des idées de gens qui ont de l’expérience, de l’expertise et de l’intérêt pour ces questions et sur la façon dont cette guerre nous affectera au Canada.

Nous allons essayer de donner un sens à tout cela. Et en ce moment, alors que tout semble si insensé, c’est peut-être le mieux qu’on puisse demander.